Il y a près d’une décennie, Romain rêvait déjà le monde en 3D en cofondant Perspective[S]. Des grottes préhistoriques aux scènes de crime, il n’a depuis de cesse d’investir des secteurs où on ne l’attend pas, bien loin des jeux vidéo. C’est aujourd’hui dans le e-commerce avec Take it izi qu’il impulse sa vision des technologies immersives. Précurseur et passionné, il défend une 3D utile et engagée. Un secteur où les perspectives n’ont jamais été aussi vastes
Peux-tu te présenter en quelques mots ?
Moi, c’est Romain. Après avoir évolué une dizaine d’années dans le milieu de la culture et des arts numériques, j’ai cofondé Perspective[S] en 2013 avec Stéphane Kyles. Notre but était de développer et de promouvoir les technologies 3D interactives, alors peu connues.
Pourquoi fonder Perspective[S] ?
A l’époque, on avait déjà développé des outils utilisant des moteurs 3D de jeux vidéo pour le milieu de l’industrie et du commerce. Un appel à projet du Ministère de la Culture est venu concrétiser notre projet d’entreprise. Le défi ? Créer la visite virtuelle de la fondation Vasarely : on s’est donc installé dans leurs locaux pendant 2 ans, avant de prendre notre envol et de rejoindre le milieu de l’entreprenariat.
Vous faites quoi chez Perspective[s] ?
Notre métier, c’est la 3D au sens large : réalité augmentée, virtuelle ou mixte. Aujourd’hui nous intervenons sur des secteurs très variés : le e-commerce, la culture, la construction, la justice ou encore le sport. La 3D est partout ! On a la chance de pouvoir choisir nos projets, comme récemment la réplique virtuelle de la grotte Cosquer, qui mêle notre passif dans la culture et les nouvelles technologies.
Quel est votre différenciateur ?
Nous sommes polyvalents ! Beaucoup ne maitrisent pas tout le pipe de production, là où nous avons à la fois un studio de création 3D et un bureau d’étude en développement informatique. Ces deux composantes nous permettent de réaliser les projets de A à Z.
Notre autre atout, c’est notre technologie maison, NX Graphics. Ce moteur web 3D nous permet de s’affranchir des technos du marché pour proposer à nos clients des solutions sur mesure et pérennes. On maitrise notre code source et on peut répondre à des besoins métiers précis. C’est complémentaire aux outils existants : on aime bien dire que ces derniers sont des Ferrari là où NX serait plutôt un 4×4 !
C’est quoi vos principaux défis ?
Notre moteur depuis toujours c’est de rendre accessible des technologies de pointe au grand public. Quand nous avions commencé avec la réalité augmentée, nous étions trop avant-gardistes : le grand public n’était pas prêt, les devices pas encore assez puissants. Depuis, les jeux vidéo ou même l’immobilier ont permis de démocratiser ces technologies.
Ces expériences nous ont permis de tester pleins de choses et de nous prendre au jeu en développant un vrai laboratoire de R&D. On veut innover, créer et utiliser les technologies du jeu vidéo dans les métiers plus traditionnels comme l’industrie 4.0. On ne veut pas faire de « la techno pour de la techno » mais l’utiliser à bon escient, comme pour la préservation du patrimoine ou pour la justice.
Romain Senatore et Stéphane Kyles
(© Crédit photo : alliancy.fr)
On ne veut pas faire de « la techno pour de la techno » mais l’utiliser à bon escient, comme pour la préservation du patrimoine ou pour la justice.
Comment tu perçois l’avenir des technologiques 3D ?
Dur de répondre tant le marché évolue en permanence ! On entre dans une nouvelle ère, celle de d’acceptation : on est plus les pionniers. Nous sommes passés de POC (proof of concept) à des solutions métiers fonctionnelles. L’avenir est vaste pour la réalité virtuelle : ce n’est pas pour rien que tous les GAFA investissent massivement dans le secteur !
Et plus particulièrement dans le e-commerce ?
Grâce au Web GL (3D directement dans le navigateur internet), les possibilités sont innombrables : on passe d’une relation à l’image à plat vers un monde en plusieurs dimensions avec différents outils (lunettes, smartphones…).
Demain grâce à la réalité mixte on pourra vivre des expériences incroyables depuis son salon. On va passer du e-commerce au virtual commerce. Après tout, pourquoi l’acte d’achat ne serait-il pas aussi puissant qu’un film de science-fiction ?
En quoi cela va changer la relation client ?
On va pouvoir encore plus facilement consommer à distance : essayer un produit avant achat, connaitre son histoire ou encore se faire assister depuis chez soi. Un caviste peut emmener ses clients visiter un vignoble virtuel et un vendeur d’ameublement leur proposer de visionner un canapé dans leur salon ou même les aider à distance à monter un meuble !
C’est quoi ton histoire derrière Take it izi ?
Take it izi, c’est le fruit d’une rencontre et de la mise en commun de deux visions : l’une autour du digital et du e-commerce, l’autre sur les technologies immersives. On a vite compris qu’il y avait des choses à faire ensemble, que nos expertises étaient complémentaires. On a pensé à un acte d’achat tout en 3D, où l’on sortirait du feed classique sur fond blanc pour proposer une expérience immersive et ludique.
Tu penses que le marché est prêt pour ce type de solution ?
Oui, cela fait déjà plusieurs années que l’industrie du jeu vidéo s’est transposée sur les plateformes mobiles. Il y a eu une démocratisation dans l’inconscient collectif : il n’y a plus le frein de penser que c’est « gadget ».
De plus, les confinements ont rendu vital la transition digitale pour les entreprises. Et quitte à évoluer, pourquoi s’arrêter à un site et à des réseaux sociaux ? Les demandes de projet ont été multipliées par 10 ! Comment faire tourner un magasin s’il est fermé ? Comment travailler ensemble quand on ne peut pas se voir ? Comment se divertir en étant confinés ? On pense à des espaces 3D interactifs, des jumeaux numériques de salle de réunion, de boutique, de salle de concert, de musée…
Pour finir, les comportements et habitudes de consommation ont changé. La nouvelle génération sort moins souvent : en une soirée, ils peuvent suivre un concert sur Twitch dans 5 endroits différents du monde.
Comment tu vois évoluer Take it izi ?
Les utilisations sont multiples au-delà des boutiques virtuelles ! Aujourd’hui on a des Amazon et Cdiscount qui sont fonctionnels mais très austères. Demain on pourrait imaginer des plateformes de e-commerce spécialisées avec des univers 3D. Par exemple pour la plongée, une ile virtuelle où l’on viendrait pour essayer sa combinaison, tester des masques ou des montres sous l’eau. On mêle ainsi jumeau numérique, acte d’achat et expérience gamifiée.
Take it izi, c’est une entreprise qui permet de mettre en forme de manière concrète ce rapport entre virtuel et acte d’achat. C’est un facilitateur entre les technologies immersives et le marché, un laboratoire d’expérimentation autour du e-commerce. On va avoir des retours d’expérience et pouvoir évoluer en permanence. Après tout c’est nouveau pour nous, nos clients et nos consommateurs : avec Take it izi, on est un peu des défricheurs !
Quelques projets de Perspective[s]
▶ Quand la 3D se met au service de la justice
« On s’est associé avec un laboratoire d’analyse criminalistique afin de construire des jumeaux numériques de scènes de crime à partir des constatations de police et des témoignages. On y intègre la balistique, les morpho analyses ou encore les relevés d’ADN. Cela permet aux magistrats d’avoir une lecture 360 et de naviguer dans les lieux plutôt que de lire des dossiers de centaines de pages. Plus récemment, on a aidé les prévenus à se retrouver immerger lors de reconstitutions de faits via la réalité virtuelle. C’est très utile lorsque les lieux ont été détruits ou sont compliqués d’accès. On est les premiers en France à proposer ça ! »
▶ Préparer au changement en douceur
« L’État nous a demandé de préparer certains de ses collaborateurs à déménager dans de nouveaux quartiers via un serious game. On a créé la maquette numérique du bâtiment et l’idée est de la connecter progressivement au monde réel en y incluant des services 3D, comme un guichet avec des avatars. »
▶ Acheter sur mesure ET plus responsable
« Nous avons conçu un configurateur de meuble sur mesure pour un fabricant français. Le client peut choisir ses matériaux, personnaliser son design et même voir son meuble en réalité augmentée dans son environnement. Une fois validé, le meuble part en fabrication automatisée. On réduit la chaine de production, on produit en quantité raisonnable et on évite ainsi la surproduction de produit à l’autre bout du monde. Un bel exemple de comment les technologies immersives peuvent permettre de l’éco-responsabilité. »
Pour en découvrir davantage : perspective-s.org